Parmi les nombreux projets que la maire de Paris veut porter pour sa nouvelle mandature, un des plus insolites est certainement celui d'une monnaie locale parisienne. C'est Florent Letissier, adjoint à l'ESS et à l'économie circulaire (EELV), qui est en charge du dossier.
“Avoir une monnaie rattachée à un territoire, cela permet de relocaliser la production et la consommation de produits dans cet espace”, analyse l'ancien professeur d'économie. “Pour la Ville, cela permet à terme de favoriser l'emploi et la création de richesses à Paris, et en Ile-de-France.” Un enjeu important pour la municipalité, qui veut favoriser le commerce de proximité et les circuits courts, sur fond de réduction de gaz à effet de serre et de "ville du quart d'heure", où tout serait proche et accessible.
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En Ile-de-France, la monnaie locale dominante s'appelle la Pêche. Fondée en 2014 à Montreuil, -son nom reprend, en hommage, les murs à pêches de la ville de Seine-Saint-Denis-, la Pêche s'est déployée surtout en petite couronne, et circule entre plus de 1.800 particuliers et 200 entreprises, magasins et associations. Elle fait partie des plus de 80 monnaies locales françaises, dont la plus populaire, l'Eusko, est au Pays Basque.
Une charte parisienne
A Paris, les billets floqués du fruit rond se dépensent principalement dans l'Est, dans quelques bars branchés, restaurants engagés, épiceries bio, pâtisseries sans gluten…Des ostéopathes, des kinés, des psychanalystes et quelques librairies s'y sont mis. Pour un total de 1.300 utilisateurs et une centaine de commerces.
“Sur la base de la parité “un euro est égal à une pêche”, on convertit son argent dans les comptoirs de change, et on peut les dépenser dans les magasins et les entreprises qui respectent certains critères”, explique Lucas Rochette-Berlon, coprésident de la Pêche et cofondateur de l'antenne parisienne : “Il ne faut pas être une multinationale ou une de ses filiales, ne pas avoir une activité liée à l'élevage industriel ou l'agriculture intensive, et respecter les droits humains et les droits du travail”, énumère le coprésident de la Pêche. “Et il faut pouvoir être libre de choisir ses fournisseurs, pour pouvoir aller jusqu'au bout dans la logique de relocalisation”. Plus globalement, une charte parisienne, mêlant engagements environnementaux et sociaux, définit les engagements des “pêchus”. En creux, la démondialisation, la décroissance, et le retour à l'échelon de proximité sont les socles philosophiques de cette monnaie alternative.
Une monnaie dématérialisée pour mai 2021
Aujourd'hui, la Pêche n'existe que sous forme fiduciaire. Elle a vocation à se dématérialiser d'ici à mai 2021, avec un coup de pouce de la Mairie de Paris. “Pour que l'usage de cette monnaie change d'échelle, il faut qu'on puisse l'utiliser sur son smartphone via une appli de paiement, ou qu'on puisse faire des virements en pêche sur ordinateur,” explique Lucas Rochette-Berlon. L'application, en gestation depuis plusieurs années et conçue en partenariat avec le CNRS, doit apparaître sous sa version bêta en décembre, avant le lancement en mai. Ce qui nécessite au moins 20.000 euros, que l'association demande à la Ville. Pour un format plus ambitieux, incluant cartes bancaires et terminaux de paiement, l'association a besoin de dix fois plus.
Pour l'instant, la Pêche est principalement utilisée pour les transactions du quotidien. Surtout à Paris, où c'est pour consommer que les utilisateurs dépensent leurs pêches. “En Ile-de-France, la production agricole ou énergétique est très rare. Paris n'a que deux ou trois jours d'autonomie alimentaire ! Or, la plupart des monnaies locales sont construites sur des territoires ruraux et péri-urbains, où la production et la consommation de biens sont rassemblées, ce qui permet de renforcer les transactions et l'autonomie des territoires. En Ile-de-France, le défi sera d'élargir l'usage de la pêche à des départements agricoles, comme le 95.”
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Les bénévoles de la Pêche - une cinquantaine en tout - voient grand : “A l'horizon de 20 ans, nous voulons reconquérir une autonomie régionale en matière d'alimentation et d'énergies renouvelables”, veut croire Lucas Rochette-Berlon. L'association a aussi lancé un fonds de garantie qui permet de financer des nouveaux projets.
Si Anne Hidalgo portait déjà ce projet dans son programme électoral, la baisse des rentréess financières de la Ville liée au Covid-19 pourrait coûter ses financements à la Pêche. “La maire veut faire de l'économie circulaire une des priorités de son mandat”, objecte Florentin Letissier, qui demande 4 millions d'euros pour ses projets. Les budgets, en cours de négociation, seront votés au Conseil de Paris le 5 octobre.
September 01, 2020 at 09:49PM
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